24 novembre 1798 : Ne laissez plus entrer le soleil !
La France est aujourd’hui le deuxième pays où l’on paye le plus d’impôts au monde. Selon l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) le taux de prélèvement en France est de 45,3% (la première place revient au Danemark avec 45,9%). Ce taux très élevé qui résulte de l’histoire de France elle-même,a permis la construction d’un état fort et centralisé. Mais comme partout ailleurs, le peuple de France apprécie modérément de voir le fruit de son travail remplir les caisses de l’état et tente comme il le peut, de réduire son taux d’imposition, allant jusqu’à se priver de la lumière du jour…
Après la chute de l’Empire Romain (476 après J.-C), l’Eglise catholique reste en place mais un nouveau pouvoir apparaît sur le jeune territoire de France : la royauté. Un système qui repose sur le principe de féodalité. C’est à dire que l’Eglise, autorité centrale, s'associe avec les seigneurs locaux et ceux-ci avec leur population, (leurs vassaux), en leur concédant des domaines ou fiefs, en contrepartie de services.
Le fief est l'institution fondamentale de la féodalité.
C’est donc auprès de ces trois pouvoirs, - l’Eglise, la royauté, la féodalité -, que le peuple va devoir s’acquitter de différents impôts : l’impôt ecclésiastique, l’impôt royal et l’impôt seigneurial. Des impôts directs comme la dîme versée à l’église et qui représente un dixième des revenus du paysan, ou indirects comme la gabelle, taxe payée sur le sel.
Dès le XIe siècle, le pouvoir royal étend son emprise sur l’Eglise et les seigneurs. Les guerres coûtent cher. Le pouvoir royal impose alors de nouvelles contributions aux seigneurs et à l’Eglise. En 1188, pour financer les croisades, Philippe Auguste instaure la « dîme saladine » : en dehors de ceux qui partent se battre, c’est toute la population qui est imposée. Au XIIIe siècle, en instaurant la « décime », prélèvement de 10% des revenus de l’Eglise de France, Philipe le Bel se verra excommunié par le pape Boniface VIII. Mais grâce à l’ambassade de son conseiller Guillaume de Nogaret dont on dit qu’il aurait giflé le pape à Rome, le roi de France obtiendra finalement gain de cause.
La pression fiscale que représentent les impôts royaux n’en finira pas de s’exercer sur le peuple, les seigneurs, l’Eglise et la noblesse jusqu’à la révolution.
Il s’agit toujours de financer les guerres du royaume, Guerre de Cent Ans, les onze guerres d’Italie, Guerre de la ligue d’Augsbourg, Guerre de Trente ans, Guerre de Sept ans, Guerre de Succession d’Espagne…
L’impôt est de plus en plus mal supporté par la société française tout autant que l’opacité avec laquelle il est géré. À l’époque le trésor du roi et de l’état ne font qu’un, ce qui tient dans cette formule célèbre qu’aurait prononcé Louis XIV : « L’état c’est moi ».
La révolution de 1789 met fin au pouvoir royal sans pour autant modifier le système de la fiscalité. Mais pour les révolutionnaires, il faut un impôt juste et égalitaire où chacun paye sa part calculée en fonction de ses revenus et non en fonctions des besoins du roi. Entre 1790 et 1791 trois impôts sont créés : la contribution foncière qui taxe les terrains, la contribution mobilière, taxe sur la rente et le profit et enfin la patente, une taxe sur les bénéfices du commerces.
Mais le revenu des impôts n’est pas suffisant, car comme sous l’ancien régime, la France révolutionnaire est en guerre. Elle doit faire face à une coalition de l’ensemble de ses voisins européens qui souhaitent voir restaurer la monarchie pour éviter la contagion de la révolte au sein de leurs peuples respectifs. Pour faire face à ce besoin en trésorerie, le 24 novembre 1798, L’impôt sur les portes et les fenêtres est voté. (Les quatre impôts issus de la révolution seront surnommés les quatre vielles et resteront en vigueur jusqu’en 1917).
Cet impôt repose sur une mécanique très simple : plus une habitation est pourvue en portes et fenêtres, plus son propriétaire est riche et plus sont impôt doit être élevé. Par ailleurs, avantage non négligeable, l’agent de l’état peu faire le compte très facilement depuis la rue ! Impossible de tricher pour le propriétaire. C’est à ce moment que l’on assiste à des condamnations drastiques d’ouvertures dans les façades, seul moyen pour les occupants d’éviter cette nouvelle taxation. Aujourd’hui encore, on peut voir de nombreuses fenêtres murées dans les villes de France.
Une fois encore avec cet impôt, les plus pauvres sont les plus touchés. Beaucoup renonceront à toutes leur fenêtres pour ne garder qu’une seule porte. Un cloisonnement qui entraine une forme d’insalubrité : l’air ne circule plus dans les maisons et les problèmes de santé augmentent. On voit notamment apparaître des cas de rachitisme.
Victor Hugo dans son premier tome des Misérables fera dire à Mgr Myriel lors d’un sermon : « Hélas ! Dieu donne l'air aux hommes, la loi le leur vend. »
Paradoxe de la Révolution française, qui basée sur l’Esprit des Lumières en a finalement privé ceux qu’elle était censée éclairer.
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